mardi 15 mai 2012

Préfet Christian Chocquet : " En sécurité intérieure, il faut avoir une vision générale mais laisser au terrain la capacité de s’adapter"





securiteinterieure.fr est heureux de recevoir dans les Conversations de securiteinterieure.fr Christian Chocquet, Préfet délégué pour la défense et la sécurité pour la zone de défense et de sécurité Nord.
Général de brigade, il a été commandant de la région de gendarmerie de Corse du 1er août 2009 au 31 octobre 2010. Christian Chocquet est titulaire d'un doctorat en science politique et il est l'auteur de :


securiteinterieure.fr : Quelle est votre définition de la sécurité intérieure ?

Ce n’est pas une question facile. Je me souviens que j’avais choisi un sujet de thèse portant sur la sécurité intérieure. J’ai finalement renoncé eu égard à la complexité du sujet. Je répondrai en me référant à la définition officielle : la sécurité intérieure a trait à tout ce qui concerne la sécurité du quotidien sous tous ses aspects, par opposition à la sécurité nationale qui est le spectre haut des risques et menaces.  En somme, la sécurité nationale, c’est la sécurité des populations et la sécurité intérieure, c’est la  protection des personnes.

securiteinterieure.fr :  Quels sont les types de crises ou de menaces auxquels vous êtes confrontés dans votre zone ?

Tout sauf ce qui concerne la montagne ! La région Nord est une région au relief plutôt plat mais elle est vulnérable à une très grande palette de risques : risques naturels et industriels avec de nombreux sites sensibles, menaces d'ordre et de sécurité publics, grands trafics...  Il existe des centrales nucléaires, des ports d’importance majeure comme Dunkerque, des complexes industriels, le Tunnel sous la Manche, et des axes routiers les plus fréquentés d’Europe. De surcroît, la densité de population est telle que les conséquences d’un risque peuvent prendre de grandes proportions.

securiteinterieure.fr :  Comment se déroule la gestion de crises pour des événements dépassant le cadre national ? Et plus spécifiquement, comment vous y préparez-vous ?

Il y a en réalité deux niveaux. Le premier est le niveau transfrontalier. C’est l’événement dont la gestion de l’impact a lieu des deux côtés de la frontière. Il y a ensuite le niveau international quand la crise, ses enjeux et ses effets dépassent le cadre de la zone. Dans ce cas-ci, les deux capitales gèrent directement l’événement .
Au niveau transfrontalier, on essaye d’anticiper et ce, dans les deux principaux volets de la sécurité qui relève de mes compétences  (sécurité et ordre public d’une part, sécurité civile et protection des populations d’autre part). Concrètement,  on anticipe en échangeant les plans de prévention et de secours. On anticipe également en travaillant sur les moyens de communication, de direction et commandement. Pour ce qui me concerne, j’ai des relations privilégiées avec les Belges. Du moins, davantage avec eux qu’avec les Britanniques avec lesquels je n'ai pas d'homologues directs. Les gouverneurs belges sont des correspondants ayant des attributions comparables aux miennes. L’organisation britannique est différente. Il y a seulement un équivalent au niveau départemental et au niveau national. En conséquence, les relations avec nos partenaires britanniques se font, soit à l’échelle nationale, soit à l’échelle départementale avec les préfets de département.


securiteinterieure.fr :  Y a-t-il des plans catastrophes transfrontaliers type plans ORSEC ? Peut-on en concevoir un ?

Il n’y a pas à proprement parler de plans de secours transfrontaliers. Il s’agit surtout de s'assurer que le plans nationaux comportent une dimension transfrontalière. A ce propos, il existe un programme européen (programme Interreg APPORT) qui finance la coopération entre la zone de défense et de sécurité Nord et le Hainaut. Depuis 2011 nous développons une coopération de même nature avec  la Flandre occidentale. Il permet d’assurer la coordination des plans français avec ceux des provinces belges. On échange les analyses de risque et de menace, et on s’informe sur les responsabilités (qui décide quoi à quel niveau). On intègre la dimension transfrontalière dans notre travail de planification : transmission de l'alerte, coordination des opérations, renforcements mutuels... L’idée est de faire en sorte que les plan de secours français et belge intègrent systématiquement une dimension transfrontalière.
Il s’agit aussi de lancer des exercices communs. Même lorsqu’un exercice est réalisé côté français, nos partenaires belges sont prévenus. Le but est de pouvoir jouer l'aspect transfrontalier dès lors que le thème de l'exercice s'y prête.  Ainsi chaque SDIS doit faire au minimum trois exercices par an. Dès que cela est pertinent (par exemple dans le cas submersion marine en Manche ou un incident sur le site de la centrale nucléaire de Gravelines, située à quelques kilomètres de la frontière franco-belge), l’exercice intègre un volet transfrontalier qui permet de rôder les méthodes de coopération opérationnelle.


securiteinterieure.fr :  Selon vous, la sécurité intérieure doit-elle être "top down" (des capitales nationales, des institutions européennes et des directions générales vers les praticiens de terrain) ou bottom-up (de la base vers les instances dirigeantes) ?

Le bon processus doit être itératif. Je m’explique : la sécurité intérieure repose sur un mode dialectique où elle est non seulement "top down" mais aussi du bas vers le haut. L’approche de terrain est utile et efficace car elle est pragmatique. Cependant, elle n’est pas suffisante. Comme le dit un proverbe chinois, la grenouille au fond du puits croit que le ciel est rond. Inversement, des grandes théories très intelligentes conçues par des esprits brillants ne sont pas toujours adaptées au réalités de terrain. Il doit y avoir une vision générale mais il faut toujours laisser en parallèle, au terrain la capacité de s’adapter.


  • Article de Christian Chocquet à lire en ligne : 

« Le terrorisme est-il une menace de défense ? » Cultures et conflits, n° 44 hiver 2001


  • Ouvrages de Christian Chocquet à consulter :

Terrorisme : la démocratie en danger ? Du 11 septembre à la mort de Ben Laden, Paris, Vuibert




Le terrorisme n'est pas la guerre, Paris, Vuibert




Autorités de Police et sécurité locale, Jérôme Millet (Préface de Christian Chocquet), Paris, Mare & Martin



Nota Bene : Les Conversations de securiteinterieure.fr sont des entretiens ayant pour thème la sécurité intérieure ainsi que des sujets ayant un rapport avec elle. Ces Conversations sont des entretiens pluralistes avec des personnes issues de tous horizons (chercheurs ou praticiens) et de toutes orientations politiques. Elles constituent un volet du site securiteinterieure.fr. Vous pouvez consulter la charte éditoriale du site.
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