mercredi 1 août 2012

Sylvie Guillaume : "C'est par la solidarité européenne que nous pourrons répondre aux défis posés par la fragilité des frontières de l'UE"




securiteinterieure.fr a l'honneur de recevoir dans les Conversations de securiteinterieure.fr Sylvie Guillaume, députée européenne.
Sylvie Guillaume est députée depuis 2009,  membre titulaire de la commission parlementaire des libertés civiles du Parlement européen (LIBE) et Vice-Présidente du groupe S&D. En outre, elle est chargée des questions d'immigration dans l'équipe de campagne de François Hollande et Conseillère régionale de Rhône-Alpes de 1998 à 2009. Enfin, elle est adjointe au maire de Lyon depuis 2001.


securiteinterieure.fr :  La campagne de l'ancien président de la République était basée sur l'idée d'une Europe protectrice, faute de quoi, la France s'octroyait le droit de prendre les mesures qui s'imposent (à savoir, rétablir unilatéralement les contrôles aux frontières et même dénoncer les "accords" de Schengen) (synthèse et décryptage sur securiteinterieure.fr). Qu'avez-vous pensé de cette solution ?

Cette prise de position de l'ancien Président français était assez symbolique d'une Europe qui se dessine, celle du repli, qui n'est pas compatible avec nos valeurs. Elle était également à lire dans un contexte préélectoral dans lequel le candidat de droite cherchait à capter les voix de l’extrême-droite. Mais cette politique du chacun pour soi ne réglera absolument pas les enjeux auxquels nous sommes collectivement confrontés. 
C'est au contraire par la solidarité européenne que nous pourrons mieux répondre aux défis posés par la fragilité structurelle de certaines frontières, comme la frontière gréco-turque, plutôt que par des pseudo-messages de fermeté qui ne règlent en rien les difficultés.


securiteinterieure.fr :  Et à présent ?

Le nouveau gouvernement, par la voix de son ministre de l'Intérieur, Manuel Valls, s'est clairement engagé dans une direction différente afin de veiller à la préservation de l'acquis Schengen, pour renforcer la confiance mutuelle entre les Etats membres et donner plus de transparence à un système qui présente à ce jour des défaillances.


securiteinterieure.fr :Les discussions se focalisent actuellement sur la base juridique de la proposition de règlement modifiant le mécanisme d'évaluation mutuelle des Etats membres en matière de surveillance de leurs frontières.
Le Conseil "Justice et affaires intérieures" de juin 2012 a, en effet, opté pour un article du traité n'appliquant pas la procédure législative ordinaire (et, du coup, écartant le Parlement européen comme co-décideur). Selon vous, va-t-on vers une nouvelle crise de l'espace Schengen, institutionnelle cette fois-ci ?

Nous n'en sommes pas encore là et nous souhaitons surtout éviter d'en arriver là !
Toutefois, les dernières positions exprimées par les parlementaires sur ce sujet, ont souligné le fait que Schengen repose par nature sur une approche communautaire ; il n'est donc pas concevable que le Parlement européen soit exclu de la création d'un mécanisme d'évaluation qui, pour être efficace, doit être décidé avec la voix des peuples. C'est en ce sens que doit aussi être interprétée la décision de la Conférence des Présidents du Parlement européen, le 14 juin 2012, de geler les négociations sur plusieurs dossiers, afin de faire respecter les prérogatives de notre institution (ndlr : à lire le communiqué de presse du Parlement européen à ce sujet).
Il est clair que, pour nous, le système intergouvernemental, tel qu’il se pratiquait sur certains sujets, ainsi que l’auto-évaluation par les Etats membres, ne sont plus des pratiques adaptées à l’Union européenne telle qu’elle se construit aujourd’hui.
Et si l'on souhaite pérenniser l’adhésion des peuples européens au projet européen, c'est aussi dans cette direction que les relations interinstitutionnelles doivent se développer.


securiteinterieure.fr : Le dernier rapport d'activités de Frontex déclare que la préoccupation de cet agence est la protection des droits fondamentaux migrants. Selon vous, est-ce une simple formule rhétorique ou une intention réelle de modifier des pratiques que les ONG jugent attentatoires des droits de l'Homme ?

Bien que le Parlement ait été très vigilant à cet égard au moment de la discussion sur le nouveau règlement de l’Agence, à ce jour nous ne disposons encore pas d'éléments suffisamment tangibles  permettant d'évaluer si les objectifs sont effectivement atteints en termes de protection des droits fondamentaux. Je regrette d'ailleurs toute l'opacité qui entoure les rencontres à huis clos entre le directeur de l'Agence Frontex
et les parlementaires européens. 
Il est clair que les dispositions du nouveau règlement de l'Agence permettront une prise de conscience accrue des gardes-frontières grâce à des formations nouvelles, ainsi que la référence au sauvetage en mer et ce même si nous aurions aimé aller encore plus loin. La nomination de Représentant spécial de l'UE pour les droits de l'Homme est récente (ndlr : communiqué du groupe S&D à ce sujet). Attendons donc de faire le bilan de ses premières actions afin de juger véritablement des efforts réels de Frontex pour changer certaines pratiques peu glorieuses en mer.

securiteinterieure.fr : Les travaux de l'Union se concentrent sur les frontières électroniques (smart borders) (à lire le billet de securiteinterieure.fr à ce sujet), le but étant d'assurer grâce aux nouvelles technologies, une meilleure étanchéité des frontières face à l'immigration clandestine, la criminalité organisée et le terrorisme. Faut-il d'après vous continuer en ce sens ?

Le but « visible » des smart borders est, selon la Commission, de faciliter les déplacements des étrangers qui se rendent souvent sur le territoire de l’Union. Mais comme pour EUROSUR, l'élaboration de ce projet de pose question. 
D'abord parce que l'on a tendance ici à se fier à la technique (avec des intérêts évidents pour l'industrie de la sécurité) pour gérer des situations et, parfois, des crises humaines. 
Ensuite parce qu’on va traiter ici les symptômes de la maladie sans traiter le malade. Or il ne suffit pas de seulement repérer des bateaux en mer, encore faut-il prévoir une stratégie avec un partage clair des responsabilités pour leur venir en aide. On ne peut être que d’accord avec la lutte contre la criminalité transnationale et les trafics. Mais ce qu'il faut éviter à tout prix, c'est que l'accès à l'asile sur le territoire européen ne soit compromis ; telle doit être notre priorité.


A consulter, le Blog de Sylvie Guillaume, et notamment :


A lire sur securiteinterieure.fr :


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